Sur nos sentiers, notre patrimoine
Avant-propos
Sur nos sentiers chéris, les traces de nos chaussures et de nos bâtons sont éphémères. Mais les traces de la vie de nos ancêtres, celles des « biens de nos pères », autrement dit de notre patrimoine, elles, résistent au temps.
Notre pratique sportive ne nous permet évidemment pas de nous attarder pour les observer.
C'est pour cela que je propose à ceux que cela intéresse, de brèves indications (*) sur quelques "points de passage" de nos circuits, un peu plus chargés d'histoire...
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(* Reconnaissance éternelle à Bernard RAYMOND, l'historien local...)
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Bernard Gautron.
1. L'Allée romaine
En quittant notre "camp de base" (le parking des étangs) en direction de Barbin, nous empruntons parfois "l'Allée romaine". C'est l'appellation locale du sentier, montant, bien empierré, qui est vraisemblablement un tronçon, mieux conservé que d'autres, d'une antique voie romaine. Celle qui reliait la région des Pictaves (Poitiers) à celle des Namnètes (Nantes).On trouve des traces comparables à Mortagne (quartier de Romaine!) ou à Tiffauges, sur le site de Couboureau (Rappelez-vous la Randonnée de la Sèvre!).Pour info, nos « ancêtres les gaulois » des bords de Sèvre faisaient partie de la tribu, d'origine celtique, des Ambilatres. Au sud, ils voisinaient avec les Agésinates (Aizenay) et au nord avec les Andégaves (Angers)...
3. La Porte des Martyrs
A l'été 1820, à l'occasion du décès de Mme de Sapinaud (réfugiée à La Barbinière pendant les guerres de Vendée et auteur de précieux Mémoires), son fils apprend, de la bouche d'un voisin, qu'en 1794, plus de vingt personnes venues se réfugier au château ont été massacrées par les républicains et enterrées sommairement à proximité du portail d'entrée.
De ce jour, l'habitude est prise d'appeler ce portail, la Porte des martyrs.
Par la suite, les corps, retrouvés, sont enterrés plus dignement au cimetière communal, et, à la fin du XIXème, la porte cochère, devenue inutile après la construction du nouveau château et de la nouvelle enceinte, est condamnée.
La Porte des Martyrs a retrouvé, l'an passé, grâce au travail des bénévoles de l'association Patrimoine, un certain éclat.
Les spécialistes de l'héraldique y remarqueront des blasons gravés datant des XIVème et XVIIème. Les autres auront surtout constaté que la porte permet, depuis peu, d'accéder directement au Clos Suzette (à partir de 16 heures!)...
5. L'Arceau de la Vierge
En face du moulin d'Etourneau, voici l'arceau en granit, érigé à la fin du XIXème par Ernest de Sapinaud, châtelain de la Barbinière et maire de Saint Laurent.
Le petit monument voulait signaler la présence, en surplomb, d'un rocher surmonté d'une petite croix, appelé « rocher de la religieuse ». Cette religieuse en aurait été précipitée par des soldats républicains pendant la Révolution.
Aujourd'hui, la nature et la végétation ont repris leurs droits et le rocher et la croix ne sont guère visibles du sentier.
Jusqu'à la fin du XXème siècle, l'Arceau a été un lieu de célébrations religieuses occasionnelles (en particulier pour la communauté portugaise)... Et, de nos jours, il n'est pas rare d'y voir des bouquets de fleurs fraîches...
7. Barbin : le moulin et la chaussée
Avant d'être associé, au siècle dernier, au viaduc ferroviaire, le site de Barbin, emblématique de St Laurent sur Sèvre, est constitué d'un moulin et de sa chaussée. Le moulin fait alors vivre tout un village, aujourd'hui disparu : au moins une demi-douzaine de « feux », nous disent les archives.
Cinq roues entraînent le « moulin à drap », dit aussi « moulin à foulon ». Le foulon est un mécanisme relativement complexe mu par la force hydraulique. La roue actionne des maillets qui retombent sur le « tissu à fouler ». Ainsi, les tissus de « grosse laine » deviennent du « drap » destiné à la confection des vestes, pantalons et autres jupes... On parle, selon les cas, de flanelle, de molleton, de serge, de droguet, etc...
Quant à la chaussée, elle a la particularité d'être double : orientée vers les deux berges opposées. Après avoir longtemps réglé le flux vers les roues hydrauliques, ces deux chaussées servent de pêcheries lorsque le foulage s'arrête, vers la fin du XIXème.
Déserté par les foulonniers, le site va bientôt se trouver une nouvelle identité, avec la construction du viaduc ferroviaire.
9. Le viaduc autoroutier
Le projet de traversée de la Sèvre par l'A87, présenté en 1999, fait le choix d'un « viaduc en courbe » : l'architecte veut ainsi respecter au mieux le caractère du site. Nous, qui marchons régulièrement vers le Guy et avons un moment en perspective les deux ouvrages d'art, nous pouvons juger du résultat.
L'entreprise (250 mètres de long, 5 travées, 2 tabliers...) est évidemment très complexe. Mais, un siècle après la construction du Pont de Barbin, les moyens techniques ont beaucoup évolué... et le chantier ne dure guère qu'une année. Le viaduc est achevé à l'été 2002.
Conséquence non négligeable : la société d'autoroute se charge d'assainir les bords de Sèvre périphériques et d'y aménager les sentiers... dont nous profitons aujourd'hui. Les moins jeunes d'entre nous se souviennent fort bien qu'antérieurement, les mois d'hiver, le cheminement vers Mortagne était beaucoup plus scabreux.
11. Le Guy
A la frontière de La Verrie et de Mortagne, un peu avant Rochard, voici le Guy. Sa chaussée, sauf en période de crue évidemment, nous permet souvent de faire demi-tour vers les étangs en rejoignant l'autre rive de la Sèvre. Quant au moulin, qui vient d'être joliment rénové, sa premère mention dans les archives remonte au XVème siècle. L'office du tourisme de Mortagne nous rappelle qu'il est tour à tour destiné au foulonnage (au XVIIIème, par exemple) et à la meunerie (au XIXème). Les sœurs de la Sagesse en sont même propriétaires à une certaine période. Et, au début du XXème, on y trouve encore des métiers à tisser.
13. La chapelle Sainte Anne
Quelques hectomètres après les étangs, à l'entrée du quartier de la Barotière, voici la Chapelle Sainte Anne.
De style néo-gothique, elle a été érigée au milieu du XIXème selon le vœu du Frère Siméon, supérieur des Frères de Saint Gabriel. Celui-ci avait survécu à un grave « accident de cheval ». La chapelle, longtemps désaffectée, a été rénovée par un groupe de bénévoles dans les années 80.
Ceux d'entre nous qui ont eu la curiosité d'y entrer (elle est toujours ouverte!) ont pu constater que de nouvelles actions pourraient être entreprises...
2. La Croix Brebion
Dans le prolongement de l'Allée romaine, juste après avoir traversé la route qui mène au Château de la Barbinière, sur la gauche, la marcheur découvre la Croix Brebion, fraîchement rénovée. Deux choses à savoir.
D'une part, la croix a été élevée au XIXème siècle par la famille Brebion, de la Petite Barbinière (la ferme qu'on aperçoit en contrebas). Les parents voulaient « rendre grâce à Dieu » pour la guérison d'un enfant « qui tombait du haut mal ». Comprenez : « qui se mourait d'épilepsie ».
D'autre part, l'emplacement a été soigneusement choisi : c'est à cet endroit précis que trois personnes (dont un prêtre et une religieuse) avaient été massacrées par « les bleus » pendant la Révolution.
4. Le Moulin d'Etourneau
Un des quatorze moulins situés sur la commune de Saint Laurent (de Plassard à Barbin)... La première mention du lieu dans les archives date de 1394... et son orthographe a beaucoup varié au cours des siècles suivants.
Longtemps propriété du châtelain de la Barbinière, c'était donc un « moulin banal » (= qui appartient au seigneur!).
C'est un moulin à farine (il en existe de beaucoup d'autres sortes : à papier, à foulon, à tan...). Il est équipé de deux meules : une pour le froment, l'autre pour le seigle...
Etourneau est aussi lié aux Guerres de Vendée. Madame de Sapinaud raconte, dans ses Mémoires, qu'elle s'y est réfugiée, dans « la maison des pêcheurs »*, déguisée en paysanne, sous le nom de La Fortin. Elle précise, entre autres détails, qu'alors « les eaux étaient hautes et on ne pouvait traverser » : la chaussée attenante, que nous connaissons bien, était donc recouverte...
A la fin du XIXème, le meunier se retire à Milvin, racheté aux Frères de Saint Gabriel. C'est l'époque où la meunerie s'efface devant la minoterie... qui répond mieux aux exigences du développement économique en cours.
* Le dernier mag de la commune nous rappelle que sa toiture vient d'être rénovée.
6. Les folies du Parc de la Barbinière
L'an passé, avec des « marcheurs de juillet » nous nous étions intéressés à quelques curiosités du bois de la Barbinière. En particulier, aux « piles de pierre » de la clairière, où il nous arrive de faire quelques fractionnés ou quelques squats (surtout quand Soizic est des nôtres!).
Ces curieuses piles, selon toute vraisemblance, supportaient une passerelle, élément d'un « parcours de loisirs » que les châtelains du XIXème aimaient offrir à leurs invités. Le parcours, essentiellement constitué d'un « labyrinthe végétal », comprenait aussi un petit kiosque, relativement difficile d'accès.
Pendant plus d'un siècle, ce kiosque a été une curiosité locale, dont ont largement profité, entre autres, les randonneurs.Nous avons bien fait de lui rendre visite l'année dernière car, depuis, il a été « déconstruit »...
8. Barbin, le viaduc ferroviaire
Curieuse destinée que celle du « Pont de Barbin » !..
L'idée d'un viaduc ferroviaire au-dessus de la Sèvre est émise dès 1857 : il faut alors « désenclaver le haut-bocage vendéen » et établir une nouvelle liaison avec le bassin houiller de Faymoreau en Sud Vendée.
Après des décennies et de longues tergiversations (où s'expriment en particulier les intérêts du pensionnat Saint Gabriel et de la « Paroisse sanctuaire » de Saint Laurent), le tracé est enfin arrêté... Mais le chantier ne commence qu'en 1904. La construction du viaduc suppose un chantier hors norme : les pierres sont extraites localement (mais oui, nous sommes bien sur le massif armoricain!) et une main d'oeuvre extérieure (du Limousin, de la Charente, et même d'Itaie) est nécessaire. Un village, de maçons cette fois, s'installe à nouveau sur le site... qui devient, pendant les années de travaux, une sorte d'attraction locale...
La ligne est ouverte le 27 juillet 1914... quelques jours avant l'entrée en guerre. Par la suite, en plus du transport de marchandises, elle contribue au développement des pélérinages montfortains (en provenance de Belgique, notamment) et de l'internat de Saint Gabriel. Le pont est bombardé en 1944, par les anglais. Puis, remis en état en 46. Mais le trafic s'arrête progressivement (les mines ferment, la voiture se démocratise!).
En 1984, la mise en place du train touristique entre Mortagne et les Herbiers le remet, un peu, en service... en attendant le rétablissement de la ligne Cholet-Les Herbiers, dont on nous dit que les études ont été validées. Mais on comprend que Bernard Raymond ait qualifié le viaduc, à une époque, de « grand œuvre de l'inutile »...
10. Le moulin de l'Enfer
Pour évoquer cet élément de notre patrimoine, un peu d'imagination est nécessaire. En effet, poursuivant son chemin vers le Guy, quelques dizaines de mètres après la confluence du Blanc et de la Sèvre, le marcheur ne perçoit qu'avec peine un vieux mur enseveli sous la végétation.
Un discret panneau rappelle qu'il s'agit des ruines d'un moulin à farine incendié à la fin du XVIIIème siècle.
Il en précise la sombre destinée. Pendant les guerres de Vendée, selon la tradition locale, le meunier aurait trahi les Blancs et ceux-ci l'auraient, en représailles, pendu à une poutre de son moulin. Et, une légende prétend même que la nuit de Noël, on entend encore ses plaintes...
12. Le Puits aux étangs
Lorsque nous partons vers l'amont de la Sèvre, en direction du Côteau rose par exemple, le « puits aux étangs » est le premier élément du petit patrimoine que nous rencontrons. Datant du XIXème, il était depuis longtemps enfoui dans les herbes et les marécages (où se plaît notre salamandre chérie). L'association Patrimoine et Histoire vient de lui redonner un peu d'éclat.
Ce puits nous rappelle l'importance des points d'eau potable avant l'ère industrielle et celle du « service d'eau ». Beaucoup de ces puits ont évidemment disparu. A Saint Laurent, on peut encore admirer en particulier celui de la Barbinière (à droite dans l'allée qui mène au château) et celui de la Fontaine des Anges.